Nucléaire : l‘IFSN n’accorde pas de blanc-seing pour la prolongation de la durée d’exploitation

KKW Beznau
Aujourd’hui, les centrales nucléaires souhaitant produire de l’électricité au-delà de quarante ans doivent remplir des conditions strictes.

De la perspective actuelle, rien ne s’oppose d’un point de vue purement technique à une exploitation des centrales nucléaires suisses jusqu’à soixante ans. Une garantie pour une durée déterminée n’est toutefois pas possible d’un point de vue technique. L’exploitation d’une installation au-delà de quarante ans est liée à des conditions strictes. L’Inspection fédérale de la  sécurité nucléaire (IFSN) vérifie(ra) continuellement la sécurité des centrales. Si une centrale devait ne plus remplir les exigences légales fixées, l’installation sera désaffectée indépendamment de l’âge.

Georg Schwarz, suppléant du directeur de l’IFSN et chef du domaine de surveillance « centrales nucléaires », explique : « Une limitation fixe de la durée d’exploitation serait une décision politique et devrait être en conséquence prise par le Parlement. » L’IFSN contrôle tous les dix ans si les conditions pour une exploitation sûre lors des dix prochaines années sont remplies. L’IFSN ne peut et ne veut faire aucun pronostic au-delà. « Nous n’accordons aucun blanc-seing aux centrales nucléaires en Suisse pour la prolongation de la durée d’exploitation », déclare Georg Schwarz.

La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N) avait demandé fin août 2014 qu’à la suite d’une durée de fonctionnement de quarante ans, un concept d’exploitation à long terme soit nécessaire pour une exploitation prolongée d’une centrale nucléaire. La durée de fonctionnement pourrait alors à chaque fois être prolongée de dix ans. Une telle prolongation se baserait sur un réexamen de sécurité approfondi. « Cette proposition correspond dans une large mesure à l’idée que nous avions déjà présentée en 2012 », relève Georg Schwarz. La proposition de la CEATE-N sera probablement traitée lors de la session de décembre 2014 dans le cadre du débat sur la modification de la loi sur l’énergie nucléaire.

Conditions claires pour une exploitation au-delà de 40 ans

Aujourd’hui, les centrales nucléaires souhaitant produire de l’électricité au-delà de quarante ans doivent remplir des conditions strictes. Les centrales de Beznau 1 et 2 ainsi que de Mühleberg ont plus de quarante ans. L’IFSN a donc contrôlé en détail la sécurité de l’exploitation à long terme de ces installations. Elle est alors arrivée à la conclusion qu’aucun motif de sécurité n’existe contre un fonctionnement allant jusqu’à cinquante ans. « Nous avons cependant posé des exigences claires à mettre en œuvre pour une exploitation au-delà de quarante ans », souligne Georg Schwarz.

De la perspective actuelle, rien ne s’oppose  d’un point de vue purement technique  à une exploitation des centrales nucléaires suisses jusqu’à soixante ans. Ceci est aussi valable pour les centrales de Beznau 1 et 2. « La sécurité de l’exploitation à long terme doit cependant être à nouveau vérifiée de manière approfondie en cas d’atteinte des cinquante ans de fonctionnement », explique Georg Schwarz. Par ailleurs, deux conditions doivent impérativement être remplies :

  1. Le processus de vieillissement des grands composants de la centrale en question, décisifs pour la durée de vie, doit évoluer dans les faits comme il se profile de la perspective actuelle ;
  2. les exploitants doivent effectuer les investissements nécessaires dans des rééquipements supplémentaires.

Centrale nucléaire de Mühleberg

D’un point de vue purement technique, la centrale nucléaire de Mühleberg aurait aussi pu être exploitée cinquante ans. L’IFSN a clairement indiqué dans sa prise de position sur la démonstration d’exploitation à long terme de 2012 quels investissements seraient nécessaires afin que la centrale ait pu produire du courant jusqu’en 2026. BKW SA a cependant décidé en octobre 2013, pour des raisons économiques, de mettre son installation en 2019 hors service. Les rééquipements requis par la suite par l’IFSN ne s’orientent que sur une exploitation allant jusqu’en 2019.

Pronostics possibles sur le développement de matériaux

Les centrales nucléaires suisses ont été construites de sorte qu’elles puissent au minimum être exploitées quarante ans. Comme c’est en général le cas dans la technologie nucléaire, des hypothèses très prudentes, dites conservatives, ont alors été choisies. Le dimensionnement a été défini de sorte que la sécurité soit au minimum garantie pendant ces quarante années.

Entretemps, la robustesse des installations et le développement des processus de vieillissement des matériaux ont pu être observés sur de nombreuses années lors du fonctionnement réel. « Nous connaissons l’état ainsi que le comportement des systèmes et des matériaux. Nous pouvons en conséquence opérer les estimations correspondantes sur l’évolution des prochaines dix années », constate Georg Schwarz. De plus, des investissements importants ont été réalisés dans toutes les centrales. Ils ont continuellement amélioré la sécurité.

La vérification de la sécurité de l’exploitation à long terme des centrales nucléaires de Beznau 1 et 2 ainsi que de Mühleberg a montré que les centrales nucléaires suisses peuvent être exploitées de manière sûre pendant cinquante ans aussi. Si le vieillissement se développe favorablement, une durée d’exploitation plus longue est aussi envisageable.

Les grands composants limitent la durée de vie

Des limites sont fixées à l’exploitation. La raison réside dans le vieillissement des grands composants, notamment l’enceinte de confinement et le circuit primaire. La fragilisation de l’acier de la cuve de pression du réacteur progresse par exemple irrémédiablement. Il est possible de calculer avec suffisamment d’avance à quel moment les limites fixées dans la législation seront atteintes. Vu que la cuve de pression ne peut pas être échangée, cela signifie inévitablement la fin de l’exploitation.

« Concernant les plus anciennes centrales nucléaires de Beznau 1 et 2, nous partons du principe, en raison des données et des calculs disponibles, qu’elles s’approcheront de la limite, ne permettant plus une exploitation prolongée, certainement aux environs des soixante années de fonctionnement », indique Georg Schwarz. Les installations plus récentes de Gösgen et de Leibstadt peuvent, d’un point de vue purement technique et en raison de l’estimation actuelle, être exploitées au-delà de soixante ans.

Aux Etats-Unis, il existe aujourd‘hui déjà des réflexions concernant une exploitation d’installations jusqu’à huitante ans. Selon Georg Schwarz, de telles réflexions ne sont pas pertinentes pour l’IFSN : « Nous contrôlons l’état des centrales en continu. Un pronostic dépassant les dix ans n’est pas sérieux. » Il rappelle : « D’un point de vue technique, ce n’est pas l’âge qui est décisif pour la mise hors service mais la sécurité. »