Réexamen périodique de sécurité des centrales nucléaires

Réexamen périodique de sécurité
Réexamen périodique de sécurité

Le détenteur d’une autorisation d’exploiter pour une centrale nucléaire doit procéder tous les dix ans à une vérification approfondie de la sécurité des installations, c’est-à-dire à un réexamen périodique de sécurité (RPS). L’objectif est que son exploitant effectue une évaluation globale de sécurité technique de la centrale nucléaire.

Une RPS comprend d’une part une évaluation de l’expérience d’exploitation spécifique à la centrale nucléaire acquise au cours des dix dernières années. Elle inclut d’autre part une comparaison avec l’expérience significative acquise auprès d’autres centrales. En outre,  l’état de la centrale nucléaire est mesuré au niveau le plus évolué des sciences et des techniques. Ce réexamen comporte également en particulier une vérification, voire une mise à jour des hypothèses de risques sur lesquelles sont fondés la conception et le dimensionnement de l’installation. La nécessité de mesures de rééquipement doit être en effet réévaluée à l’aune de ces comparaisons.

La référence en la matière est constituée par l’article 22, alinéa 2, lettre g de la loi sur l’énergie nucléaire (LENu). Selon ces dispositions, une centrale nucléaire doit être rééquipée dans la mesure où les expériences faites et l’état de la technique du rééquipement l’exigent, et au-delà si cela contribue à diminuer encore le danger et pour autant que cela est approprié. Vérifier si la centrale nucléaire satisfait toujours à ces exigences légales est l’une des missions essentielles du RPS.

 

Référence au concept de sécurité existant

L’obligation de réexamen approfondi est définie par l’article 34 de l’ordonnance sur l’énergie nucléaire (OENu). L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a concrétisé plus en détail cette obligation légale dans sa directive R-48. Ce faisant, un RPS doit s’appuyer sur le concept de sécurité existant d’une centrale nucléaire. Il repose lui-même sur les quatre niveaux de sécurité de défense en profondeur essentiels pour la prévention de sécurité. Ce concept se caractérise par des mesures d’action préventive à chaque niveau de sécurité.

En partant des mesures destinées à assurer une exploitation normale fiable (niveau de sécurité 1), il existe des mesures de prévention des perturbations d’exploitation (niveau de sécurité 2) et de maîtrise des incidents et accidents (niveau de sécurité 3). Il existe de même également des mesures destinées à limiter les effets d’accidents graves (niveau de sécurité 4).

En dehors des mesures techniques prévues à chacun de ces quatre niveaux, la sécurité d’une centrale nucléaire dépend aussi de manière décisive de la formation et de la conscience de l’exigence de sécurité du personnel d’exploitation, des mesures organisationnelles et de leurs effets réciproques. Le réexamen de sécurité périodique comprend donc une évaluation globale de la sécurité technique de la centrale nucléaire ainsi que des mesures organisationnelles prises et appliquées dans une centrale nucléaire.

 

Evaluation de la sécurité technique

Un RPS comprend concrètement les évaluations techniques de sécurité suivantes :

  • représentation du plan de sécurité ;
  • évaluation de la conduite de l’exploitation et du comportement de l’installation en exploitation ;
  • analyse déterministe de l’état de sécurité ;
  • analyse probabiliste de sécurité.

La représentation du plan de sécurité sert à donner un aperçu des caractéristiques de conception et des éléments essentiels de la conduite de l’exploitation. Cet aperçu présenté sous la forme d’un descriptif succinct comprend les aspects suivants :

  • lois, ordonnances, directives, normes, prescriptions et autres textes réglementaires ayant servi de référence pour la conception ;
  • autorisations d’exploiter existantes, obligations et conditions liées, ainsi que les requêtes de l’IFSN ;
  • fonctionnement, structure, disposition et dimensionnement des bâtiments, systèmes et composants ayant été approuvés dans le cadre de l’autorisation ;
  • classification technique de sécurité (classement) des bâtiments, systèmes et composants ;
  • organisation, personnel, concept des prescriptions et interfaces personne-machine ;
  • programme de gestion de qualité ;
  • modifications techniques et d’organisation importantes effectuées ;
  • procédures de maintenance et de contrôle, système de gestion du vieillissement des équipements, enregistrements d’exploitation, instruments de conduite de l’exploitation ;
  • concept de protection contre l’incendie et les effets de la foudre, concept de radioprotection et de gestion des déchets, concept de surveillance du cœur et de la chimie de l’installation, concept de protection d’urgence.

 

La conduite de l’exploitation et le comportement de l’installation en exploitation comprennent aussi bien la centrale nucléaire considérée dans son ensemble que l’expérience acquise avec les différents dispositifs de sécurité. Il convient de démontrer que

  • la sécurité jouit de la priorité absolue sur tous les autres objectifs d’exploitation ;
  • la surveillance et le contrôle permettent une détection anticipée de points faibles ;
  • l’exposition aux rayonnements ionisants dans les conditions normales d’exploitation et lors de perturbations d’exploitation ne dépasse pas les valeurs limites de dose fixées dans l’ordonnance sur la radioprotection ;
  • le concours des mesures techniques et d’organisation contribue au principe d’optimisation de la radioprotection ;
  • les contraintes mécaniques et thermiques résultant de l’exploitation normale et des perturbations d’exploitation restent limitées du fait du concours des mesures techniques et d’organisation afin de garantir une exploitation sûre ;
  • les incidents et accidents soient évités.

Du fait du caractère prospectif du réexamen périodique de sécurité, l’exploitation des données d’expérience de l’exploitation doit s’effectuer sous la forme d’une analyse de tendances.

L’élément clé de l’analyse déterministe de l’état de sécurité est constitué par la démonstration de la maîtrise efficace et fiable d’un spectre complet d’incidents de dimensionnement par les dispositifs de sécurité de la centrale nucléaire, afin que les valeurs directrices de dose annuelle générées par une défaillance telles que définies par l’article 94 de l’ordonnance sur la radioprotection (ORaP) soient respectées à tout moment. Celle-ci impose, outre la vérification approfondie et actualisée des analyses existantes d’incidents, la vérification de l’état de la qualité. Cela concerne le cas échéant de la conception des dispositifs de sécurité.

Les analyses probabilistes de la sécurité doivent démontrer que les dérangements sortant du cadre pris en compte pour la conception et le dimensionnement sont largement empêchés par des mesures internes ou sont en mesure de réduire les effets de graves accidents affectant le cœur de réacteur. De plus, il convient de démontrer que la centrale nucléaire dispose d’un niveau de sécurité suffisant et que le concept de sécurité de la centrale nucléaire est équilibré.

Les résultats de ces analyses individuelles doivent être fusionnés en une considération de sécurité globale. L’accent doit être mis sur l’évaluation orientée sur la protection en démontrant que les objectifs de la protection que sont

  • le contrôle de la réactivité ;
  • le refroidissement des assemblages combustibles ;
  • le confinement des matières radioactives ;
  • la limitation de l’exposition aux rayonnements ionisants,

soient respectés en exploitation normale ainsi que pour les incidents de conception.

 

Structure de la culture de la sécurité

La représentation et l’évaluation concernent non seulement les équipements techniques, mais aussi les aspects de l’organisation. L’essentiel concerne les mesures structurant la culture de la sécurité et leur application afin de maintenir une culture de la sécurité dans la centrale nucléaire. Il s’agit de plus d’évaluer à partir des résultats de l’analyse des données d’exploitation et de la présentation des principes de la conduite de l’exploitation dans quelle mesure une culture de la sécurité s’est développée au sein de l’organisation d’exploitation.

L’évaluation anticipée du futur état de sécurité de la centrale nucléaire se fonde sur les représentations de tendance des contraintes et des indisponibilités de dispositifs de sécurité, sur les statistiques de défaillance de types de composants critiques pour la sécurité ainsi que sur les résultats de la surveillance du vieillissement. De plus, il convient de mentionner les aspects liés au personnel et à l’organisation afin d’assurer la poursuite d’une exploitation sûre.

 

Propositions d’améliorations dans l’évaluation globale

L’évaluation globale constitue une appréciation du niveau atteint en matière de prévention par l’exploitant de la centrale nucléaire. Le niveau atteint en matière de prévention caractérise dans quelle mesure sont satisfaites les exigences tirées de l’expérience acquise et du niveau actuel des sciences et techniques. Le niveau des connaissances techniques est défini par la réglementation applicable, tandis que le niveau des connaissances scientifiques découle des acquis généralement reconnus de la recherche.

Le caractère décisif est constitué ce faisant par les exigences de la réglementation qui ont évolué ou ont été ajoutées au cours de la période écoulée depuis le dernier réexamen périodique de sécurité. S’il est constaté des écarts par rapport aux exigences de la réglementation, leur signification du point de vue de la sécurité doit être appréciée à l’aune de l’objectif de protection dans la cadre de l’appréciation globale. Lors de l’évaluation d’écarts purement déterministes, il est possible de recourir aux résultats de l’analyse probabiliste pour apprécier leur influence sur la sécurité. Les éventuelles mesures d’amélioration nécessaires seront alors proposées sur la base de cette appréciation.

 

Vérification par l’IFSN

L’IFSN élabore un avis exhaustif détaillé pour chaque RPS. Cet avis comprend une analyse et une appréciation indépendantes des documents remis par l’exploitant d’une installation nucléaire, effectuées pour partie sur la base d’analyses, de recherches et d’inspections propres à l’IFSN. La réglementation valide, l’expérience acquise, le niveau des sciences et techniques, de même que les techniques de rééquipement constituent les fondements de cette appréciation.

Les documents remis par l’exploitant font tout d’abord l’objet d’un premier examen grossier. Au début de l’examen de détail, l’IFSN décide s’il est nécessaire d’interroger ou de mener des entretiens spécialisés avec l’exploitant, ou dans quelle mesure il est nécessaire de consulter des documents supplémentaires. Si la réglementation a évolué au cours de la période écoulée depuis le dernier réexamen, l’IFSN procède alors à une évaluation indépendante de l’avis de l’exploitant afin d’en déterminer la pertinence du point de vue de la technique de sécurité.

L’IFSN vérifie alors, sur la base de cette évaluation, s’il est nécessaire de prendre des mesures de rééquipement ou si ces mesures sont recommandables dans le cadre de la relativité. L’IFSN exige le cas échéant des mesures correspondantes et émet un avis sur la sécurité et le caractère licite de la poursuite de l’exploitation de l’installation nucléaire. Les résultats de ces analyses sont regroupés par l’IFSN dans un rapport public. Ce rapport comporte outre l’avis relatif aux aspects techniques de sécurité une appréciation sur la qualité du RPS. La qualité du RPS permet de tirer des conclusions sur la culture de la sécurité de l’exploitant.