La sécurité de l’exploitation au-delà de 40 ans doit être démontrée

Si l’on souhaite poursuivre l’exploitation de centrales nucléaires suisses au-delà de 40 ans, elles doivent à la fois répondre à des exigences légales minimales, mais aussi offrir suffisamment de garanties de sécurité pour les dix prochaines années. C’est la raison pour laquelle l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire IFSN exige des exploitants de centrales nucléaires des démonstrations correspondantes et un concept d’exploitation à long terme spécifique à chaque installation.

Titelbild des "Schweizer Journal" zu Beznau Inbetriebnahme 1969
Photo de couverture du « Schweizer Journal » pour la mise en service de Beznau en 1969
Photo: KKB

Selon la loi suisse, l’exploitation des centrales nucléaires peut se poursuivre aussi longtemps que leur sécurité est garantie. La Suisse ne prévoit en principe aucune limitation légale de l’autorisation d’exploitation. En revanche, la législation fixe des critères clairs pour la mise hors service de centrales nucléaires. Jusqu’à la fin de son exploitation, une centrale nucléaire doit garantir un niveau de sécurité élevé. Il faut éviter que les marges de sécurité prises en compte lors de la conception soient totalement épuisées au moment de la mise hors service de la centrale, car ceci ne répondrait pas aux impératifs de sécurité.

Le directeur de l’IFSN Hans Wanner l’a déjà répété et souligné à plusieurs reprises : « Les centrales nucléaires ne doivent pas être exploitées jusqu’à tomber en déliquescence. Ceci serait préjudiciable à la sécurité. Une centrale nucléaire doit être désaffectée lorsque des marges de sécurité sont encore disponibles ». Les centrales nucléaires en Suisse doivent être exploitées en toute sécurité, indépendamment de leur durée d’exploitation. Par ses inspections, l’IFSN s’assure que les exploitants assument leurs responsabilités. L’objectif est de protéger l’homme et l’environnement contre les dommages causés par le rayonnement radioactif. L’amélioration permanente de la sécurité permet d’atteindre cet objectif.

L’IFSN exige des démonstrations de sécurité supplémentaires

Entre-temps, trois des cinq centrales nucléaires suisses ont plus de 40 ans, notamment les tranches 1 et 2 de la centrale nucléaire de Beznau ainsi que la centrale nucléaire de Mühleberg. L’IFSN parle d’« exploitation à long terme » lorsqu’une centrale nucléaire suisse est exploitée au-delà de 40 ans. L’autorité de surveillance exige des démonstrations de sécurité supplémentaires pour une telle exploitation. « Cette pratique n’est pas expressément ancrée dans la loi fédérale sur l’énergie nucléaire. Mais nous nous appuyons principalement sur la large compétence d’exécution de l’autorité de surveillance », explique Georg Schwarz, chef du domaine de surveillance Centrales nucléaires et directeur adjoint de l’IFSN.

Quatre conditions doivent être réunies

L’IFSN évalue les conditions spécifiques réunies par chaque centrale pour l’exploitation à long terme sur la base des exigences légales en Suisse, des exigences internationales de l’AIEA, des normes et règles techniques reconnues au niveau international ainsi que des enseignements tirés de l’accident du réacteur de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima-Daiichi. Quatre conditions essentielles doivent être réunies pour l’exploitation à long terme :

  • Surveillance du vieillissement Premièrement, des programmes et mesures de maintenance et de surveillance du vieillissement doivent être mis en œuvre en tenant compte des expériences acquises en exploitation, tant en interne qu’en externe, et de l’état de la science et de la technique. La Suisse a été l’un des premiers pays à mettre en place la gestion du vieillissement. Depuis 1991, tous les exploitants de centrales nucléaires mettent en œuvre un programme de surveillance du vieillissement et vérifient systématiquement tous les composants et structures de construction critiques pour la sécurité du point de vue des effets du vieillissement. Lors de son expertise, l’IFSN vérifie si la gestion du vieillissement par l’exploitant offre une base solide permettant d’évaluer les effets d’une exploitation à long terme.
  • Etat des composants clés Deuxièmement, l’exploitant doit fournir à nouveau les preuves, limitées dans le temps, de l’état de vieillissement des composants clés, comme par exemple la sécurité en matière de rupture de matériaux pour la cuve de pression du réacteur, la sécurité à la fatigue du système de refroidissement du réacteur, l’exclusion de la rupture de conduites du circuit de refroidissement principal et l’intégrité de la paroi de l’enceinte à pression en acier. Les principaux mécanismes de vieillissement déterminant la durée de vie sont surtout la fragilisation des matériaux, les différents types de corrosion et la fatigue thermo-mécanique.
  • Analyses de défaillances Troisièmement, l’exploitant doit actualiser les analyses de défaillances déterministes et probabilistes. Il convient en l’occurrence de vérifier en particulier si des mesures appropriées ont été prises pour compenser les faiblesses au niveau du dimensionnement originel, si la maîtrise efficace et fiable des défaillances de dimensionnement est garantie et si l’installation présente un niveau de sécurité suffisant et un profil de risque équilibré. L’analyse de sécurité probabiliste (ASP) permet d’évaluer le risque des défaillances hors dimensionnement. La méthode ASP permet une évaluation du risque quantitative, spécifique à chaque installation, en tenant compte des causes d’accidents les plus diverses telles que l’erreur humaine ou des catastrophes naturelles de type séisme.
  • Etat du rééquipement Et quatrièmement, le dimensionnement d’une centrale nucléaire doit être contrôlé en tenant compte de l’état actuel de la technique de rééquipement. Malgré les mesures adoptées pour compenser les défaillances originelles de dimensionnement, une centrale nucléaire de 40 ans ne possède pas toutes les caractéristiques de dimensionnement d’une centrale nucléaire de dernière génération. Les différences concernent généralement le degré de redondance, l’indépendance fonctionnelle et la séparation spatiale des systèmes de sécurité, leur degré d’automatisation, la sécurité aux séismes et aux chutes d’avions ainsi que la prévention des défaillances hors dimensionnement. Pour juger si une centrale nucléaire a été rééquipée en tenant compte de l’état actuel de la technique, l’IFSN vérifie si les exigences applicables à une nouvelle centrale nucléaire, telles que stipulées par la législation, sont remplies. Si tel n’est pas le cas, on vérifie si des mesures d’amélioration appropriées ont été prises et si les différences, qui subsistent par rapport aux exigences légales applicables à une nouvelle centrale nucléaire, sont acceptables compte tenu des résultats de l’analyse de sécurité probabiliste.