Les faits sur la « radioactivité dans le lac de Bienne »

Les journaux « Le Matin dimanche » et « SonntagsZeitung » ont rapporté dans leurs éditions du 14 juillet 2013 que la découverte de l’isotope césium137 dans le lac de Bienne était « surprenante ». Cette découverte n’est ni surprenante ni dangereuse.  Il n’y a pas eu de rejet « passé inaperçu » de césium dans l’Aar.

Des isotopes radioactifs  tels que le césium 137 peuvent être détectés dans tous les sédiments des lacs de Suisse. Les sources correspondantes sont variées. En plus des centrales nucléaires, des rejets sont issus de l’industrie, de la recherche et de la médecine. Des isotopes radioactifs peuvent aussi être conduits en Suisse par l’air depuis l’étranger. Ce phénomène a déjà été analysé par différents projets de recherche scientifiques.

Les journaux « Le Matin dimanche » et « SonntagsZeitung » se basent sur un article scientifique. Cet article fait également état de dépôts de césium 137 dans les sédiments du lac de Bienne avant et depuis la mise en service de la centrale nucléaire de Mühleberg. Des pics ont été mesurés en 1963, 1976 et 1986.

Les colonnes rouges montrent les valeurs de césium 137 en becquerel par kilogramme mesurées dans les couches sédimentaires spécifiques du lac de Bienne (source : Tevenon et al.:Human impact on the transport of terrigenous and anthropogenic elements to peri-alpine lakes (Switzerland) over the last decades).
Les colonnes rouges montrent les valeurs de césium 137 en becquerel par kilogramme mesurées dans les couches sédimentaires spécifiques du lac de Bienne (source : Tevenon et al.:Human impact on the transport of terrigenous and anthropogenic elements to peri-alpine lakes (Switzerland) over the last decades).

Les deux activités spécifiques les plus importantes dans des carottes des sondages de sédiments du lac de Bienne proviennent d’événements indépendants de la centrale nucléaire de Mühleberg :

  • Le pic de 1963, avec plus de 120 becquerels par kilogramme, s’explique par les retombées des essais nucléaires dans l’atmosphère.
  • Le pic le plus important, avec plus de 160 becquerels par kilogramme, date de 1986. Il est lié à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.
  • L’élévation de 1976 à 95 becquerels par kilogramme peut être mise en relation avec des dommages aux assemblages combustibles dans la centrale nucléaire de Mühleberg.

 

Les rejets sont documentés et publiés

« La découverte de césium 137 dans le lac de Bienne ne nous surprend pas » explique Georges Piller, chef du domaine spécialisé « radioprotection » à l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). « Nos analyses réalisées avec l’institut EAWAG ont montré en 1995 déjà que les radionucléides rejetés dans les cours d’eau et sédiments en aval des centrales nucléaires pouvaient être détectés. Les 41 becquerels par kilogramme mesurés pour l’année 2000 sont, en comparaison, une faible élévation de la valeur du césium dans le lac de Bienne. Ils peuvent être mis en corrélation avec les rejets de césium plus élevés de la centrale nucléaire de Mühleberg que nous avons constatés en 1998 et 1999. »  Ces rejets sont documentés dans les rapports annuels publiés de la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN), prédécesseur de l’IFSN, de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et de la Commission fédérale pour la surveillance de la radioactivité (CFSR).

Rejets liquides de césium 137 par la centrale nucléaire de Mühleberg dans l’Aar (en becquerel par année)
Rejets liquides de césium 137 par la centrale nucléaire de Mühleberg dans l’Aar (en becquerel par année)

Dans la période mentionnée, les rejets de césium de la centrale nucléaire de Mühleberg étaient légèrement supérieurs aux années précédentes. Elles restaient cependant plus basses que la moyennes des premières 20 années d’exploitation. « Lors de ces deux années également, les valeurs limites ont été nettement respectées », constate Georges Piller. « Depuis, les rejets ont continuellement diminué. »

L’origine de l’élévation des rejets ne peut pas être attribuée à des incidents. Elle provient en revanche du conditionnement pour le stockage final de résines anciennes issues du dépôt intermédiaire avec l’installation de solidification CVRS mise en service en 1995. L’exploitation de cette installation a été optimisée les années suivantes. Les rejets de césium ont ainsi reculé.

Malgré ce lien évident à la centrale nucléaire de Mühleberg, toutes les traces de césium mesurées ne peuvent être attribuées de manière univoque et exclusive aux centrales nucléaires. Des valeurs semblables, et parfois plus importantes, se trouvent aussi dans des sédiments d’autres lacs helvétiques qui ne se situent pas en aval d’une centrale nucléaire.

 

La courbe dans la colonne de gauche montre les valeurs de césium 137 en becquerel par kilogramme mesurées dans les couches sédimentaires spécifiques du lac de Brienz (source : Tevenon et al.:Human impact on the transport of terrigenous and anthropogenic elements to peri-alpine lakes (Switzerland) over the last decades (Supplementary material).
La courbe dans la colonne de gauche montre les valeurs de césium 137 en becquerel par kilogramme mesurées dans les couches sédimentaires spécifiques du lac de Brienz (source : Tevenon et al.:Human impact on the transport of terrigenous and anthropogenic elements to peri-alpine lakes (Switzerland) over the last decades (Supplementary material).

Des valeurs supérieures au multiple sont par exemple largement répandues au Tessin. Dans les lacs bernois aussi, des valeurs plus importantes ont été mesurées. Les auteurs de l’étude, utilisée comme base par les journaux « Le Matin dimanche » et « SonntagsZeitung », ont également étudié les lacs de Brienz et de Thoune. Ces derniers se situent en amont de la centrale de Mühleberg. Dans les deux lacs, du césium 137 a aussi été découvert dans les sédiments lors de la période considérée. Dans le lac de Bienne, des valeurs comprises entre 50 et 100 becquerels par kilogramme ont été mesurées à la fin des années 1990. Ces valeurs sont donc supérieures à celles du lac de Bienne situé en aval de Mühleberg.

 

Aucun risque pour la santé

Les valeurs de césium 137 mesurées dans les sédiments des lacs suisses ne représentent aucun risque pour la santé. Elles se situent nettement en-dessous des valeurs limites définies dans l’Ordonnance du Département fédéral de l’Intérieur sur les substances étrangères et les composants dans les denrées alimentaires.

Valeur limite en becquerel
par kilogramme

Denrées alimentaires de moindre importance

12 500

Toutes denrées alimentaires

1250

Denrées alimentaires liquides

1000

Préparations pour nourrissons et préparations de suite

400

En comparaison, une personne avalant un kilogramme du sédiment trouvé dans le lac de Bienne exposerait son corps à 41 becquerels. La dose provoquée par-là est très éloignée des valeurs pouvant être problématiques pour la santé d’une manière ou d’une autre. En outre, le césium est fixé dans le sédiment. L’approvisionnement en eau potable ne serait donc pas menacé.

 

Les valeurs limites doivent être respectées

Des rejets de substances radioactives par l’air et par les eaux usées ont lieu à partir de toutes les installations employant des substances radioactives. Ils ne doivent toutefois présenter aucun danger pour l’être humain et l’environnement et se trouver en-dessous de valeurs limites.

La centrale nucléaire de Mühleberg a aussi rejeté de manière contrôlée des substances radioactives  dans l’Aar depuis sa mise en service. L’IFSN a publié ces rejets dans ses rapports annuels et dans ceux de l’OFSP. Les valeurs limites légales ont toujours été respectées par la centrale de Mühleberg. Depuis la mise en service de la centrale nucléaire de Mühleberg, plusieurs mesures d’amélioration ont par ailleurs été mises en œuvre. De ce fait, les rejets de césium 137 ont été abaissés ces dernières années.

L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est responsable de la surveillance de la radioactivité de l’environnement en dehors des sites d’installations nucléaires. Ces mesures confirment également qu’aucune quantité de radioactivité inadmissible n’a été rejetée par les centrales nucléaires suisses.

Becquerel

Le becquerel est une unité pour l’activité d’une substance radioactive. Un becquerel signifie qu’un noyau atomique d’une substance radioactive se désintègre en une seconde. Cette unité porte le nom de son inventeur : Henri Becquerel. Celui-ci a découvert la radioactivité en 1896 lorsqu’il a remarqué par hasard que de l’uranium naturel pouvait noircir des plaques photographiques.

Césium 137

Le césium 137 est un isotope radioactif artificiel. Seul l’isotope stable césium 133 peut être trouvé à l’état naturel. Le césium 137 a une demi-vie de 30 ans. Il est produit lors de réactions en chaîne telles qu’elles ont lieu dans les centrales nucléaires. Il est entre autres employé en radiothérapie pour le traitement de maladies cancéreuses.