Défense en profondeur : la maîtrise de certaines défaillances hors dimensionnement (10/13)
Les niveaux de sécurité 1 à 3 assurent une prévention étendue et complète de défaillances. Cette prévention concerne également les conséquences internes à l’installation et le rejet consécutif de matières radioactives. Les défaillances sont maîtrisées dans le cadre de la conception par les systèmes de sécurité. Il n’y a pas d’effet ou tout au moins pas de conséquence grave pour l’environnement. La sécurité absolue n’existe toutefois pas dans le domaine technique.
Les systèmes de sécurité du niveau de sécurité 3 ne sont pas en mesure de maîtriser tous les hypothétiques scénarios de défaillances envisageables. Ceci concerne en particulier les séquences d’incidents découlant d’erreurs multiples. Les systèmes de sécurité du niveau 3 ne maîtrisent également pas les séquences d’incidents inhérentes à des actions massives de l’extérieur et dont les paramètres se situent hors dimensionnement. La catastrophe de Tchernobyl est à classer dans la catégorie des défaillances dues à des erreurs multiples. Dans l’installation de Tchernobyl, plusieurs faiblesses au niveau du dimensionnement ont été compensées de manière illicite.
Dans la catégorie des défaillances dues à des influences externes, il convient de classer la catastrophe de Fukushima. Lors de cette dernière, la hauteur du front de lame de tsunami a largement dépassé sa valeur de dimensionnement.
Les études de risques ont également démontré que des erreurs multiples dans les systèmes de sécurité n’entraînent pas systématiquement une défaillance grave avec rejet de matières radioactives dans l’environnement. C’est également le cas pour la défaillance de plusieurs barrières de confinement de matières radioactives. Les centrales nucléaires disposent en effet de marges de sécurité. Ces réserves étendent le spectre des défaillances maîtrisables au-delà des bases de conception proprement dites.
Elles sont évaluées à l’aide d’analyses de sécurité probabilistes et déterministes. Les limites de l’installation sont par ce biais mises en relief. Au-delà de celles-ci, des défaillances graves avec rejets massifs de matières radioactives sont possibles.
Les analyses de sécurité probabilistes
Les analyses de sécurité déterministes
Les analyses de sécurité probabilistes permettent d’identifier des points faibles dans la conception ou la gestion d’exploitation. Elles servent également à montrer des mesures destinées à éviter et à maîtriser les défaillances ou à en atténuer les effets. Elles apportent globalement une contribution précieuse à l’évaluation équilibrée de la sécurité de l’installation et de son exploitation.
Ces dernières années ont vu la réalisation de rééquipements importants dans le domaine du niveau de sécurité 4. De plus, des dispositions organisationnelles pour la maîtrise de défaillances graves ont été prises sur ce niveau de sécurité. Certaines d’entres elles seront présentées dans le onzième article de cette série. C’est en effet surtout dans ce domaine de la défense en profondeur que des mesures supplémentaires sont prises à la suite de l’accident de Fukushima. Ces précautions contribuent à une réduction supplémentaire du risque.
En se basant sur les résultats du test de résistance de l’Union européenne (UE) d’autres mesures ont été implémentées pour lutter contre des influences extérieures massives (violent séisme, inondations massives, intempéries) , afin de réduire le risque d’une défaillance grave et d’atténuer le cas échéant ses conséquences.
L’exploitant, et en particulier l’équipe de quart, assurent un rôle décisif dans la maîtrise d’une défaillance grave. Il convient donc d’accorder aujourd’hui une importance majeure à une formation complète, notamment en matière de maîtrise de défaillances graves. Il est également essentiel de tester régulièrement ces scénarios de défaillances lors d’exercices. Il s’agit en effet d’une part de tester la technique. Ces exercices visent d’autre part à entraîner régulièrement le comportement humain à des situations de stress exceptionnelles. Ces scénarios sont également une occasion d’exercer l’organisation d’urgence. L’importance d’une telle organisation et de sa gestion a été tragiquement mise en évidence par la catastrophe de Fukushima.
Les 5 niveaux de la défense en profondeur
- Exigence : fonctionnement normal
- Objectif : éviter tout écart par rapport à l’exploitation normale
- Systèmes, équipements et mesures : systèmes d’exploitation, y compris les systèmes d’alimentation et les installations de conduite nécessaires
- Exigence : incidents de fonctionnement
- Objectif : maîtriser l’écart par rapport à l’exploitation normale
- Systèmes, équipements et mesures : systèmes de limitation, y compris les systèmes d'alimentation et les installations de conduite nécessaires
- Exigence : défaillances dans le cadre des règles de dimensionnement
- Objectif : maîtrise de défaillances dans le cadre des règles de dimensionnement
- Systèmes, équipements et mesures : systèmes de sécurité et d’ultime secours, y compris les systèmes d'alimentation et les installations de conduite nécessaires
- Exigence : défaillances hors dimensionnement sans dommage grave au cœur du réacteur
- Objectif : maîtrise de certaines défaillances hors dimensionnement
- Systèmes, équipements et mesures : systèmes et équipements d’urgence (mesures d’urgence préventives)
- Exigence : défaillances hors dimensionnement accompagné de dommages graves au cœur du réacteur
- Objectif : limitation du rejet de substances radioactives
- Systèmes, équipements et mesures : équipements d’urgence (mesures d’urgence d’atténuation)
- Exigence : urgences graves accompagnées d’un important rejet de substances radioactives dans les environs
- Objectif : atténuation des effets radiologiques dans les environs
- Systèmes, équipements et mesures
- mesures pour minimiser la dose de rayonnement reçue par la population et le personnel
Il s’agit de la dixième des treize parties de la série d’articles sur la défense en profondeur. L’article suivant porte sur les mesures spécifiques de maîtrise ou d’atténuation des accidents hors dimensionnement.
Cet article a été actualisé le 30.11.2018.