Série sur la radioprotection : sources de rayonnements et voies d’exposition dans les installations nucléaires

Pour les installations nucléaires suisses, la protection de la population, de leur personnel et de l’environnement a la plus haute priorité. Bien que la plus grande partie des substances radioactives soient liées à des matières solides et confinées à l’intérieur de plusieurs barrières, de faibles quantités de substances radioactives parviennent dans l’environnement via l’air et l’eau rejetés lors du fonctionnement normal.

expositionspfade-aus-kernanlagen-2-fr-kopieLes exploitants des installations nucléaires suisses sont obligés légalement de maintenir les expositions aux rayonnements aussi basses que possible en fonction de l’état actuel de la science et de la technique. Pour cela, il est nécessaire de disposer de la connaissance la plus exacte possible de l’état de toutes les substances radioactives ainsi que de leur comportement lors du fonctionnement et d’éventuelles défaillances.

Rejet à partir de sources de rayonnements dans les installations nucléaires

En vertu de l’ordonnance sur la radioprotection, des objets ou installations sont des sources de rayonnements s’ils contiennent des substances radioactives ou produisent des rayonnements ionisants. Il y a dans les installations nucléaires de nombreux types de sources de rayonnements.

Différentes sortes de sources de rayonnements dans les installations nucléaires

Il existe d’une part :

  • des pastilles de combustible avec des matières fissibles radioactives ainsi que des produits de fission et d’activation;
  • des gaines activées et d’autres composants des assemblages combustibles;
  • des structures activées du réacteur, cuve de pression du réacteur incluse;
  • du fluide caloporteuractivé et contaminé;
  • des gaz et particules radioactifs dans l’air rejeté;
  • des résidus radioactifs dans les filtres;
  • des dispositifs et des outils contaminés;
  • des déchets radioactifs.

De plus, d’autres sources de rayonnements sont utilisées pour les tests de fonctionnement des appareils de surveillance, pour le contrôle de matériaux ainsi que pour le scannage de bagages à l’entrée de la centrale nucléaire.

Le potentiel de danger d’une source de rayonnements est déterminé par l’étendue de l’inventaire d’activité, le type de nucléides ainsi que l’état physique et chimique du matériau radioactif duquel la source provient.

Pendant le fonctionnement de puissance d’une centrale nucléaire, différentes barrières renferment les sources de rayonnements. On parle de rejet lorsqu’une partie des substances radioactives d’une source de rayonnements parvient dans le voisinage d’une centrale nucléaire.

Pendant l’exploitation normale d’une centrale nucléaire, il est indispensable que certaines barrières puissent être ouvertes. D’autres barrières, comme par exemple des filtres, captent les particules transportées dans l’air mais pas les gaz rares. Ceci conduit à des rejets qui ne peuvent pas être entièrement évités. Ils sont toutefois réduits autant que possible, mesurés avant de quitter l’installation et par conséquent désignés comme « rejets contrôlés ». Les autorités définissent les valeurs limites des rejets contrôlés des centrales nucléaires sous la forme de limites de rejet.

Lors des 40 dernières années, aucune des centrales nucléaires suisses n’a dépassé les limites de rejet fixées par les autorités. Lorsque toutes les barrières sont endommagées en cas de défaillance (un dépassement de valeurs admissibles dû à un évènement externe ou interne), de plus importants rejets peuvent se produire.

Explications relatives au rejet et à la dispersion

Deux barrières au minimum sont prescrites pour l’enveloppe d’une source de rayonnements. Il est ainsi garanti qu’en cas d’éventuelle défaillance d’une barrière, la seconde barrière limite un rejet de substances radioactives. Le nombre de barrières ainsi que leur résistance aux défaillances s’orientent sur le potentiel de dangerde la source radioactive.

Des rejets peuvent parvenir dans l’environnement via l’eau ou l’air. Par exemple, il peut arriver que des gaines d’éléments combustibles perdent leur étanchéité lors du fonctionnement et que des substances radioactives soient transférées dans l’eau du réacteur. Le système primaire d’eau de refroidissement est un circuit fermé qui empêche un rejet en tant que deuxième barrière.

Bien que les eaux épurées puissent être en grande partie réutilisées et restent dans la centrale nucléaire, des campagnes de rejet des eaux sont cependant toujours nécessaires. Lors de celles-ci, les substances radioactives qui ne peuvent pas être retenues, comme notamment le tritium, sont évacuées dans l’Aar ou dans le Rhin. Les quantités se situent alors nettement en dessous des valeurs limites prescrites au niveau légal.

Afin que les particules radioactives transportées par l’air ne parviennent pas à l’extérieur, la paroi externe doit être étanche. De plus, les portes nécessitent des fonctions de sas. Une dépression par rapport à l’air extérieur doit être maintenue dans les locaux afin que le flux d’air soit toujours dirigé vers la zone contrôlée, même en présence de points non étanches et lors de l’ouverture des portes. Afin de produire cette dépression, l’air ambiant est aspiré des locaux à l’aide de ventilateurs. Cet air est ensuite filtré et rejeté via une cheminée.

Dans la cheminée, un bilan est établi pour les substances radioactives ne pouvant pas être retenues par des filtres avant leur rejet. Lors de l’établissement du bilan, la concentration d’activité de l’air rejeté ainsi que le volume d’air relâché par unité de temps sont mesurés. Le rejet d’activité déterminé par ce biais est comparé avec les valeurs limites qui ont été définies dans l’autorisation d’exploiter de chaque installation nucléaire. L’IFSN publie les résultats dans ses rapports sur la surveillance et sur la radioprotection.

Etant donné la hauteur importante de la cheminée, – jusqu’à 120 mètres, l’air rejeté se disperse à de grandes distances soud l’effet du vent et se trouve fortement dilué par les turbulences dans le panache de rejet. Les substances radioactives retombent ensuite au sol en raison de leur agglomération à des particules de poussières ou par le lessivage par les gouttes de pluie. Pendant cette dispersion, une partie de l’activité se désintègre. L’irradiation des êtres humains s’en trouve par conséquent encore réduite.

Voies d’exposition potentielles pour la population

Les différentes possibilités par lesquelles des rayonnements de substances radioactives peuvent parvenir aux êtres humains sont désignées par le terme « voies d’exposition ». Les diverses voies d’exposition peuvent être réparties en deux catégories :

  • En cas d’irradiation externe, l‘être humain est irradié par des substances radioactives en dehors du corps. L’exposition dépend de la force de la source de rayonnements, de la distance entre la source et l’être humain, des matières absorbantes entre la source et l’être humain ainsi que de la durée d’exposition dans le champ de rayonnements. Pour la population, l’irradiation externe est négligeable lors du fonctionnement normal d’une centrale nucléaire. A l’aide d’appareils de mesure très sensibles, de faibles débits de dose de l’ordre de grandeur du bruit de fond naturel peuvent être mesurés à la clôture d’une centrale nucléaire. Après de graves défaillances, comme cela a été le cas après Tchernobyl, une irradiation externe due à des substances radioactives peut avoir lieu dans l’air et au sol.
  • En cas d’incorporation, les substances radioactives entrent dans le corps par le biais de l’alimentation (ingestion), de la peau (transpiration) ou de blessures. Si les substances radioactives ne sont pas excrétées par le corps, celui-ci absorbe entièrement ou partiellement le rayonnement causé par leur désintégration. La dose de rayonnements dépend alors du type d’incorporation, de la sorte et de l’énergie des rayonnements ainsi que de la durée de demi-vie effective des substances radioactives.

Voies d’exposition potentielles pour les collaborateurs des installations nucléaires

Le personnel des installations nucléaires est surtout exposé de manière externe lors de travaux au réacteur ou à sa proximité ainsi qu’à proximité d’installations de rayons X et de composants radioactifs. Le danger d’une incorporation existe principalement par l’inhalation de substances radioactives transportées par l’air ainsi que par la pénétration de substances radioactives dans la peau. L’ingestion due à l’alimentation est exclue en raison d’une interdiction totale de manger et de boire dans la zone contrôlée.

 

Il s’agit du neuvième d’une série de 14 articles sur la radioprotection. La dixième partie traite des mesures générales de radioprotection.