Dix ans après Fukushima (6/6) : conclusions

Il y a exactement dix ans, le 11 mars 2011, se produisait l’accident catastrophique de Fukushima-Daiichi. Ces dernières semaines, nous avons mis en évidence les causes, le déroulement et les effets dans notre série d’articles, et décrit les leçons que nous avons tirées de l’accident.

Les évènements au Japon font encore toujours office de mise en garde qu’il ne faut pas relâcher la vigilance. La sécurité des centrales nucléaires suisses doit être garantie jusqu’au dernier jour de leur fonctionnement. De fait, Fukushima a douloureusement démontré que la clé du maintien de la sécurité consiste en un rééquipement continuel et conséquent en adéquation avec l’état actuel de la science et de la technique, de même qu’une surveillance indépendante.

Marc Kenzelmann, directeur de l’IFSN

L’accident à Fukushima, aux lourdes conséquences, nous a fourni de précieuses leçons. Les comparaisons internationales et les examens de la technologie et de la surveillance ont montré que la Suisse avait fait ses devoirs : non seulement les centrales nucléaires répondent à toutes les recommandations des organismes internationaux, mais elles se positionnent très bien en comparaison internationale en termes de sécurité. Le cadre réglementaire suisse en matière de sécurité nucléaire est exemplaire et la surveillance suisse est indépendante.

Aussi, bien que la Suisse remplisse des standards de sécurité élevés, Fukushima-Daiichi nous a donné un grand nombre d’indications précieuses sur la manière selon laquelle la sécurité des installations nucléaires suisses peut continuer à être améliorée. Nous avons consigné ces indications dans le plan d’action Fukushima. Sur cette base, nous avons pu décider d’autres rééquipements. De plus, nous avons publié notre analyse de l’accident dans six rapports Fukushima. Dans deux de ces rapports, nous avons analysé les facteurs humains et organisationnels de l’accident, et un troisième rapport devrait être publié aujourd’hui, à l’occasion du 10e anniversaire de l’accident. De nombreuses leçons ont également été intégrées dans la législation et la réglementation de l’IFSN en tant qu’exigences de sécurité, et vont continuer à l’être à l’avenir. En outre, nos activités de surveillance sont régulièrement examinées par des spécialistes internationaux. En octobre de cette année, par exemple, une autre mission de l’AIEA aura lieu en Suisse. Les experts internationaux examineront nos activités de surveillance et le système suisse en ce qui concerne la sécurité des centrales nucléaires. Et nous nous engageons, autant en Suisse qu’au niveau international, pour des standards de sécurité élevés et pour une pratique de surveillance harmonisée.

L’accident au Japon a également mis en lumière un autre aspect important : la protection en cas d’urgence. Ici aussi, Fukushima est une mise en garde précieuse de ne pas être complaisant. Malgré toutes les précautions prises, un risque résiduel subsistera toujours. Il est donc de notre devoir de veiller à ce que les conséquences de tout accident soient atténuées autant que possible en Suisse et au niveau international. Par exemple, Fukushima a confronté la communauté internationale de la radioprotection et de la protection d’urgence et tous les pays qui possèdent des centrales nucléaires à la question de savoir si les mesures que nous envisageons de prendre pour protéger la population sont vraiment proportionnées. Il s’agit notamment de l’évacuation préventive de la population, qui est également envisagée en Suisse comme une stratégie importante de protection contre une éventuelle exposition aux rayonnements suite à un accident de centrale nucléaire. Fukushima a montré ce qui suit : contrairement à une opinion répandue, l’exposition aux rayonnements était relativement modérée dans l’ensemble. Il n’y a eu aucun décès dû aux rayonnements, et, selon plusieurs études internationales, une augmentation du nombre de cancers à moyen et long terme ne devrait pas se produire (UNSCEAR, WHO, IAEA).

Cependant, les évacuations à grande échelle ont eu dans certains cas de graves conséquences pour la population touchée. Il y a eu de nombreux décès. Les causes sont complexes et vont, par exemple, de l’interruption temporaire des soins médicaux en raison de l’évacuation des hôpitaux et des maisons de retraite, à des maladies psychiques et à ses manifestations. Cette leçon remet toujours plus au centre de la discussion la stratégie dite de « mise à l’abri ». Car l’évacuation n’est pas la seule mesure envisageable qui puisse être prise pour protéger la population en cas d’accident nucléaire. En cas d’exposition aux rayonnements, l’excellente substance du bâti de nos habitations, aussi en comparaison internationale, pourrait déjà apporter une contribution importante à la protection contre les rayonnements ionisantes. La situation du Corona a également montré que la mise à l’abri, c’est-à-dire le fait de rester à la maison et de passer moins de temps à l’extérieur, peut fonctionner plutôt bien pendant une certaine période. C’est pourquoi l’IFSN cherche à mener des discussions nationales et internationales avec les partenaires de la protection d’urgence afin de peser les avantages et les inconvénients des différentes mesures de protection et d’examiner quand et comment elles peuvent également être appliquées en combinaison.

Un point central ici est et reste la manière de traiter l’incertitude et la peur des rayonnements radioactifs qui sont profondément enracinées chez de nombreuses personnes. Cette crainte diffuse doit être prise au sérieux. C’est pourquoi l’IFSN considère qu’il lui incombe à l’avenir d’informer davantage les responsables et les organismes de secours, ainsi que la population, sur les rayonnements radioactifs et leurs effets en cas d’accident dans une centrale nucléaire. Il ne s’agit pas de minimiser l’accident catastrophique de Fukushima et le danger que représentent les rayonnements ionisants. Il s’agit plutôt de mettre en perspective les dangers des rayonnements dans leur juste rapport.

En résumé, il est important pour la Suisse de ne pas se reposer sur ses lauriers, mais de rester sans arrêt attentive et critique, de revoir régulièrement la technologie et les activités de surveillance, et de rééquiper jusqu’à leur désaffectation les installations nucléaires selon l’état le plus récent de la science et de la technique. « Celui qui arrête de s’améliorer a cessé d’être bon », a déclaré un jour le politicien allemand Philip Rosenthal. Cela vaut autant pour les exploitants des installations nucléaires que pour l’IFSN ! Et enfin, il s’agit que l’IFSN puisse continuer à l’avenir à prendre ses décisions indépendamment de toute pression politique ou économique et à s’assurer qu’elle conserve les compétences requises pour son expertise.

Marc Kenzelmann, directeur

Interview avec Marc Kenzelmann (sous-titres en français)

Dans une interview vidéo, le directeur de l’IFSN Marc Kenzelmann tire les conclusions des évènements de Fukushima-Daiichi.