Les centrales nucléaires suisses ne peuvent pas devenir des bombes atomiques

Le magazine allemand « Der Spiegel » fait état dans son édition du 19 mars 2014 de soi-disant failles de sécurité dans des réacteurs à eau pressurisée. Le phénomène décrit est connu de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Les centrales nucléaires suisses sont bien équipées pour y faire face.

La revue se base sur les déclarations d’un ingénieur et décrit un scénario lors duquel le réacteur devient hors de contrôle suite à la rupture de tubes de chauffe dans le générateur de vapeur. En fonction de ce scénario, le réacteur pourrait exploser comme une bombe nucléaire. Georg Schwarz est suppléant du directeur de l’IFSN et chef du domaine de surveillance « centrales nucléaires ». Il commente : « Ce scénario ne tient pas la route. » La possibilité qu’un réacteur à eau sous pression puisse instantanément devenir surcritique lors de situations accidentelles très rares est bien connue. Les centrales nucléaires en Suisse possèdent suffisamment de systèmes et de processus pour l’empêcher.

Instantanément surcritique

Pour qu’un réacteur fonctionne, il doit être « critique ». Lors d’un tel état, le taux de production de neutrons libérés, nécessaires pour la réaction en chaîne, est exactement égal au taux de disparition des neutrons. La réaction en chaîne se maintient alors par elle-même.

Deux types de neutrons sont différenciés dans un réacteur de puissance. Les neutrons directement libérés après la réaction en chaîne sont appelés « neutrons rapides ». Ceux qui ne sont libérés des produits de fission que quelques secondes ou quelques minutes après sont appelés « neutrons retardés ». Ces derniers comptent pour environ 0,7 pour-cent de tous les neutrons libérés dans un réacteur de puissance. Ils sont essentiels pour la commande d’un réacteur.

Lorsqu’un réacteur devient « instantanément critique », le nombre de neutrons rapides, et par-là la puissance, augmentent de manière exponentielle (donc très rapidement). Le réacteur ne peut en revanche pas se transformer en « bombe atomique », comme l’article du magazine « Der Spiegel » le suggère. En Suisse, seuls des réacteurs à eau légère sont exploités. Ils sont conçus de manière à être intrinsèquement sûrs : lors de l’amplification de la réaction en chaîne, les températures augmentent dans le combustible et dans l’eau. Cela agit à son tour contre un accroissement de la puissance.

Dans les réacteurs à eau pressurisée, les barres de commande ne suffisent pas à elles-seules pour arrêter complètement la réaction en chaîne à chaque état. De l’acide borique est donc ajouté à l’eau du circuit primaire. Le bore absorbe les neutrons nécessaires au maintien de la réaction en chaîne.

Plusieurs systèmes d’injection de bore

En Suisse, des réacteurs à eau sous pression fonctionnent à Beznau et à Gösgen. Tous les trois réacteurs disposent à chaque fois de deux systèmes d’injection de bore. Le réacteur peut donc être conduit dans un état sous-critique en fonctionnement normal et lors d’une défaillance. Cela signifie que la réaction en chaîne sera alors interrompue.

Maîtrise de la rupture de tubes de chauffe

Le point de départ du scénario décrit dans le magazine « Der Spiegel » est une rupture de tubes de chauffe dans le générateur de vapeur. Une défaillance avec rupture d’un ou de plusieurs tubes de chauffe dans le générateur de vapeur doit être maîtrisée par les centrales nucléaires suisses. Les directives de l’IFSN exigent que cette maîtrise soit démontrée aussi bien avec des analyses de sécurité probabilistes que déterministes. Par conséquent, les exploitants en ont fait la démonstration dans les réexamens périodiques de sécurité notamment.

Générateurs de vapeur

La chaleur produite dans la cuve de pression du réacteur (circuit primaire) est transférée vers le circuit secondaire dans les générateurs de vapeur. L’eau du circuit secondaire s’évapore ensuite. La vapeur qui en résulte est alors conduite vers les turbines. L’eau dans le circuit primaire est sous une pression suffisamment élevée pour qu’elle ne s’évapore pas.
L’IFSN ne voit donc aucune nécessité de requérir des clarifications supplémentaires pour l’instant. « Nous analyserons toutefois les résultats d’éventuelles vérifications réalisées par les autorités allemandes », conclut Georg Schwarz.


Réacteur à eau pressurisée

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  1. Cuve du réacteur
  2. Barre de commande
  3. Assemblage combustible
  4. Générateur de vapeur
  5. Turbine haute pression
  6. Turbine basse pression
  7. Alternateur
  8. Transformateur
  9. Condenseur
  10. Refroidissement (tour aéroréfrigérante ou eau de rivière)
Un réacteur à eau pressurisée (REP) est exploité avec deux circuits séparés : les circuits primaire et secondaire. Alors que l’eau sous pression est chauffée par la chaleur des assemblages combustibles dans le circuit primaire ; le circuit secondaire sert en premier lieu à la production de vapeur. Celle-ci est ensuite acheminée dans les turbines. Le circuit secondaire reste ainsi exempt de particules radioactives provenant du réacteur. Lors de travaux de maintenance, cette caractéristique peut être un avantage par rapport à un réacteur à eau bouillante (REB). En Suisse, le REP est employé dans les centrales nucléaires de Beznau et de Gösgen.